Messages radiodiffusés adressés aux Allemands (d'octobre 1940 à juin 1945)
traduit de l'allemand par Pierre Jundt. Introduction critique d'Edmond Vermeil.
Editions Martin Flinker, Paris, 1948. Format env 145*225 mm, 219 pages, broché, sous jaquette illustrée comportant quelques petits accrocs .
manque page de garde blanche (dédicace trop personnelle ou autre )un peu jauni en périphérie
On sait que Thomas Mann avait été chargé pendant la guerre d'une émission radiophonique mensuelle à destination du peuple allemand. En 1948, le texte de ses allocutions fut traduit en français, et longuement préfacé par Edmond Vermeil qui voyait en lui « le type accompli de l'Allemand qui, après nombre d'erreurs, a compris les exigences d'un ordre international nouveau ». On voit l'intérêt que présentait ce texte à l'époque.....c'est une performance. Expliquer cinquante-six fois à des auditeurs invisibles et apparemment sans réaction que leur combat ne servait à rien, sans verser dans les slogans ni la monotonie, supposait une belle virtuosité dans l'indignation, et l'on retrouve ici avec jubilation la plume qui avait déjà, entre 1933 et la guerre, si magnifiquement insulté Hitler. Thomas Mann n'était-il pas au fond d'autant plus tenté par cet exercice qu'il lui semblait gratuit ? Sa propre préface, écrite à mi-parcours (1942) le laisse entendre : « Appeler un peuple à la révolte, ce n'est pas encore croire du fond du cœur qu'il en soit capable ».
Polémiste génial, il est parvenu par intuition à découvrir l'essence même du nazisme. Dès la première annonce de l'extermination des juifs, il refusait de se ranger parmi les sceptiques et les prudents, affirmant que « c'est un acte historique, conscient et démonstratif» et que « la révolution nationale-socialiste n'a rien produit et ne produira jamais rien d'autre » : lucidité banale de nos jours, mais rare en ce début de 1942, où un analyste aussi subtil que Franz Neumann, réfugié lui aussi aux Etats-Unis, persistait à considérer l'antisémitisme nazi comme une opération de diversion, un attrape- nigauds. Pour cette perspicacité on pardonnera aisément à Thomas Mann quelques naïvetés très rooseveltiennes, comme celle-ci : « Après Hitler il n'y aura plus de conquérant ».
Enfin, les termes mêmes avec lesquels il jugeait le peuple allemand en janvier 1945, refusant la culpabilité collective mais acceptant et revendiquant la responsabilité, ces termes devaient dominer le grand examen de conscience des années zéro, et par là même contribuer à la naissance d'une nouvelle manière d'être allemand. Même s'il ne l'a pas écouté pendant les hostilités, même s'il l'a mal accueilli à sa première visite, son peuple a reçu l'empreinte du prophète.