
L'histoire
Lors de l'adoption du fusil dit “Lebel” Modèle 1886, une nouvelle baïonnette a été conçue. L'épée-baïonnette Modèle 1886 rompt la tradition de la baïonnette fixée sur le côté droit du canon, puisque celle-ci se fixe sous le canon, dans l'alignement de l'arme. Il a souvent été dit que la pointe quadrangulaire ou “cruciforme” a été sélectionnée car elle créait des blessures très difficiles à soigner. Or, il ne semble pas qu'une blessure provenant d'une baïonnette allemande S98 soit plus facile à soigner… Non, la réalité est plus pratique : cette forme longue et fine, aux quatre arêtes, permet d'optimiser la taille, le poids et la solidité.
Il fallait en effet avoir une allonge suffisante face au Gewehr 98, permettre une attaque en piqué, et alléger le poids d'une baïonnette venant s'attacher sur un fusil faisant déjà 4,180 kg pour 1,307 mètre de long. À titre de comparaison, la baïonnette du fusil Gras Mle 1874 pèse 600 grammes.
Le modèle sorti dès 1886 se compose d'une poignée en maillechort (alliage de cuivre, zinc et nickel) donnant une couleur argentée. Le bouton poussoir pour fixer et libérer la baïonnette sur le canon du fusil est de forme ronde et est quadrillé. Un quillon est présent et permet de poser les armes en faisceaux. Le fourreau est en tôle d'acier et est numéroté à celui de la baïonnette. Différents poinçons de contrôle sont présents sur la baïonnette et son fourreau et permettent de donner une date approximative d'année de fabrication.
Durant la Première Guerre mondiale, la baïonnette du fusil Lebel sera intensivement produite, car utilisée en plus avec le fusil Berthier 07-15. Cependant, sa grande taille se révéla bien contraignante pour les soldats dans les tranchées et pour les déplacements dans les champs de barbelés… Et sa forme en pointe ne permettait pas de l'utiliser comme outil ou couteau, comme pouvait le permettre les baïonnettes allemandes ou anglaises, par exemple.
Enfin, le nom de “Rosalie” est tiré d'une chanson de Théodore Botrel paru en 1914 ‘Rosalie, chanson à la gloire de la terrible baïonnette', qui rendit ce nom populaire surtout parmi la population civile alors que l'argot des tranchées reprend plutôt les expressions comme “cure-dents”, “aiguille à tricoter” ou “tire-bouchon”...

L'épée-baïonnette Mle 1886 connu différentes évolutions, en voici la liste : En juin 1888, il a été décidé de supprimer la vis de guidage du ressort de verrouillage et le ressort a été augmenté de 6 à 7 spirales. Cette modification est invisible sans démonter la baïonnette.
- En 1890, la soie (partie liant la lame à la poignée) a été rallongée jusqu'au bout de la poignée et est maintenue par un écrou à deux ergots pour solidifier l'ensemble.
- En 1893, les taquets de fixation ont été renforcés, à la suite de nombreux décrochages des baïonnettes lors des tirs. (Pour l'avoir essayé, l'auteur peut en témoigner !)
- Octobre 1914, utilisation du laiton pour les poignées
- 1915, version simplifiée nommée 1886-15, reconnaissable facilement car sans quillon.
- 1917, utilisation de fonte grise pour les poignées.
- 1935, versions raccourcies à 400 mm pour Lebel R35.
- 1940, versions raccourcies à 335 mm par les Allemands sous les dénominations Seitengewehr 102(f) et 103(f).
En règle générale, il y a trois modèles principaux qui sont distingués pour la collection. En voici la présentation.

Le modèle 1886 à soie courte
C'est la version d'origine, qui se caractérise avec le manche en maillechort, la présence du quillon et le bouton arrondi.

Le modèle 1886 à soie longue
Cette baïonnette, apparue à partir de 1890, est tout à fait semblable à la version précédente, mis à part que la soie a été rallongée et verrouillée par un écrou.

Elle peut aussi être trouvée avec la poignée en laiton (octobre 1914) et le taquet de verrouillage peut aussi être de la version renforcée.

Le modèle 1886 modifié 1915
Avec le démarrage de la Première Guerre mondiale, le besoin en armement a grandement augmenté, d'autant qu'il fallait non seulement équiper les hommes fraîchement appelés (les effectifs sont quasiment triplés) mais aussi combler les pertes sur le terrain.

Ce n'est que vers janvier 1915 qu'une nouvelle version apparaît, qui est surtout un modèle simplifié pour la production de guerre : elle se distingue immédiatement par l'absence de quillon. Une légende perdure parfois que le quillon était encombrant sur le terrain et qu'il se prenait dans les barbelés. Il suffit juste de constater que le fusil Lebel comme le fusil Berthier ont déjà un quillon intégré à l'embouchoir pour simplement justifier l'absence de celui-ci sur les baïonnettes. De plus, cela permettait une économie de temps et de coût sur la chaîne de production.

Outre l'absence de quillon, le bouton poussoir a aussi été redessiné par un modèle plat. Le numéro de série est désormais sous le plat de la garde. Ces baïonnettes “1915” se rencontrent avec des poignées dans les trois métaux : le maillechort (couleur argenté), le laiton (couleur dorée) et la fonte grise (couleur gris-noir). Pour être certain de ne pas confondre la fonte et le maillechort, selon l'état de conservation de la baïonnette, un simple aimant vous aidera à vous confirmer si c'est de la fonte.


Sachez que Remington a livré à la France des baïonnettes 1886-15 vers 1916. Peu communes, elles se confondent parfaitement avec celles fabriquées en France, sauf que la poignée à l'avant est plate.
Les “curiosités”
Parmi les curiosités, on peut citer les versions raccourcies en dague ou “poignard de tranchée” qu'on peut trouver un peu partout à la vente, sans que leur origine n'ait quelque chose d'officiel. Il est possible qu'une baïonnette tordue ait pu être simplement raccourcie pour être utilisée telle quelle sur le terrain, mais il ne s'agit là que de spéculations.
Cependant, des baïonnettes ont bien été raccourcies de façon réglementaire lorsque les Lebel R35 (version raccourcie du fusil Lebel 1886) et Berthier M34 firent leur apparition dans les années 30. La lame est diminuée à 400 mm, et le fourreau comporte la bouterolle ronde caractéristique.
Enfin, la baïonnette dite “Lebel” a une ultime fois subi une modification, lorsque les Allemands ont envahi la France et équipé les troupes d'occupation de matériel de l'armée française. Les lames ont été réduites à 335 mm, et la bouterolle est souvent réparée grossièrement. On peut les trouver avec et sans quillon.
