Comment choisir vos jumelles télémètriques
Peu de marques proposent ce type de jumelles équipées d'un télémètre permettant d'évaluer la distance entre l'observateur et la cible visée. La technologie est difficile à maitriser et les produits assez couteux. Il est donc important pour le chasseur ou pour le tireur sportif de bien étudier les propositions de chaque marque en la matière. Notre guide d'achat vous donne de précieux conseils et vous renvoie vers les tests individuels des jumelles déjà passées sur notre banc optique. De quoi faire votre choix en toute connaissance !
Il va sans dire que la première priorité d'un chasseur est d'avoir une maîtrise sans faille des tirs, dans un souci de sécurité, de respect de l'animal et de l'environnement. C'est pourquoi il est indispensable de s'équiper de bonnes optiques. Notamment une bonne paire de jumelles, et même idéalement d'une paire de jumelles télémétrique (capable d'évaluer les distances). Ce type d'accessoire est relativement récent puisqu'il est apparu sur des produits grand public avec l'arrivée des toutes première Leica Geovid en 1992. Ces jumelles font à juste titre la fierté du département sport optic de la firme de Wetzlar.
Pourquoi les jumelles télémétriques coûtent cher ?
Pour mesurer les distances la paire de jumelles utilise un système lidar. C'est-à-dire l'équivalent d'un radar mais utilisant la lumière d'un laser plutôt qu'un signal radio. Cette lumière est invisible. Il s'agit d'un laser calé dans le proche infrarouge, typiquement à 905 nm (le spectre visible s'étend de 400 à 700 nm). Une impulsion laser est envoyée par la paire de jumelles et quelques photons sont détectés en retour. C'est ce délai que doit mesurer la paire de jumelles. A 300 m par exemple il faut 2 millionièmes de seconde à un photon pour faire l'aller-retour entre la paire de jumelles et la cible visée. Ce chiffre de 2 millionièmes de seconde donne une idée de la précision de l'électronique nécessaire pour faire une mesure de distance à 300 m avec une précision généralement meilleure que 1 m. L'ordre de grandeur à atteindre dans la mesure est donc une précision au milliardième de seconde.
Une paire de jumelles ordinaire est déjà sur le plan optique un objet technologique (bien plus qu'il n'y parait). Mais les chiffres que l'on vient d'évoquer permettent d'appréhender à quel point l'ajout d'un système optronique de pointe fait de ces produits des objets de très haute technologie. On comprend mieux alors pourquoi peu de marques se lancent dans ce segment, et pourquoi les prix sont si élevés.
Comment fonctionnent les jumelles télémétriques ?
Nous l'avons vu, la paire de jumelle utilise un laser pour effectuer sa mesure. Le plus souvent, il est intégré dans le train optique à travers lequel vous observez. Le fabricant ajoute alors sur le chemin de la lumière une lame de verre dichroïque, c'est-à-dire capable de réfléchir une partie de la lumière. Dans le cas d'une paire de jumelles télémétrique, la lame réfléchit les infrarouges et laisse passer la lumière visible. Ainsi, le laser utilise la même optique que vous sans que vous ne nous en rendiez compte. De même, les photons émis en retour sont collectés par l'objectif de la paire de jumelles et se réfléchissent sur cette lame dichroïque avant d'être analysés par un capteur.
Il existe des systèmes alternatifs. Sur les Meopta Meorange par exemple, le télémètre est doté de sa propre optique. Nous avons pu constater qu'il est précis et à une portée assez importante. La solution est moins raffinée optiquement, joue sur la balance, mais elle permet de faire un matériel robuste et efficace, c'est le résultat qui compte. Il faut ajouter à ça, un système semi-réfléchissant pour permettre l'affichage du résultat. Sur certaines jumelles, une partie de l'affichage est dans la voie de droite, l'autre partie dans la voie de gauche.
L'ajout de tous ces éléments dans le train optique explique pourquoi il est impossible d'avoir une transmission de lumière aussi bonne sur ces jumelles-là, qu'avec un produit classique. Il n'est pas non plus possible d'avoir des couleurs parfaitement neutres, même si certains produits s'en rapprochent comme les Swarovski EL Range. Elles se démarquent aussi par leur très bonne transmission de lumière autour de 90% alors que les produits concurrents sont plutôt autour de 80%, parfois moins.
A-t-on besoin de mesurer des distances à plus de 1000 m ?
La distance maximale de mesure est un paramètre à prendre en compte lors du choix d'une paire de jumelles. Elles sont toutes capables d'effectuer des mesures jusqu'à plus de 1000 m et parfois même près de 2000 mètres. Pourtant il va de soi qu'aucun chasseur ne tire à ces distances. Cette donnée est néanmoins importante, car dans la phase d'approche, il est intéressant de savoir quelle distance il reste à parcourir. Souvenez vous également que ces jumelles peuvent être utilisées dans le tir sportif à longue distance et que certains pas de tir permettent d'engager une cible à plus d'un kilomètre.
La portée indiquée par le fabriquant n'est qu'indicative. C'est une portée normée, mais dans la pratique, dans certaines conditions il sera possible d'aller plus loin, alors que dans d'autres le laser n'atteint même pas la limite donnée par le constructeur. Il suffit par exemple de tirer sur un miroir plan parfait, et tous les photons du laser sont déviés dans une autre direction. La mesure dans ce cas caricatural, échoue quelle que soit la distance. La luminosité ambiante entre aussi en ligne de compte, de même que la nature de l'objet visé. Un objet blanc réfléchit mieux la lumière qu'un objet noir par exemple.
A conditions égales, sur les jumelles que nous avons eu l'occasion de tester nous avons constaté des variations de portée de plusieurs centaines de mètre parfois d'un produit à un autre. Certaines jumelles échouent moins souvent que d'autres à effectuer la mesure. C'est le cas des Meopta par exemple, elles sont données pour 1500 m et nous avons pu faire des mesures jusqu'à 1900m.
Ce qui limite le plus la portée est la puissance du laser. Pour le grand public seule l'utilisation de laser de classe 1 est considérée sans danger ophtalmique. Pour des applications militaires, il existe des paires de jumelles capables de faire des mesures à plus de 5 km. Actuellement il semble que Leica remporte la palme des produits grand public, avec deux nouveaux modèles prometteurs annoncés début 2018, les Geovid HD-B 3000 et les HD-B 2700 capables de mesurer jusqu'à 2700 et 3000 yards (2450 m à 2750 m), là où aucune autre concurrente ne dépasse les 2000 m.
Le laser ne fait pas tout
Savoir quelle est la distance de la cible ne donne pas une indication directe du nombre de clics à ajuster sur sa lunette de visée. Cette information dépend en fait d'un très grand nombre de paramètres : le type de munition et d'arme utilisé, l'angle de visée, la température, la pression, … et le vent. C'est la prise en compte de plus ou moins de ces paramètres qui fait la différence entres les modèles proposés sur le marché. Les Kahles Helia RF par exemple prennent en compte un type d'arme normalisé et simplement l'angle de visée. Sur les Swarovski EL Range Finder et les Meopta Meorange HD par exemple, la pression et la température sont aussi prises en compte. Les Zeiss Victory RF vont plus loin en couplant la mesure à une application permettant de personnaliser un maximum de paramètres. C'est aussi la solution retenue par Meopta sur ses nouvelles Meorange 10x42 HD-AB. On peut s'interroger sur le côté pratique de devoir sortir et utiliser son smartphone sur le terrain, en plus de la paire de jumelles et de l'arme. Finalement, c'est à Leica que l'on doit le système le plus abouti avec la Geovid HD-B. Un programme permet de personnaliser ses paramètres sur une carte mémoire. Une fois programmée, elle est placée dans la paire de jumelles. Tous les paramètres sont ainsi pris en compte à l'exception du vent car il n'existe pas de moyen simple de le mesurer. Pour le tir sportif et le tir militaire c'est aussi le paramètre le plus limitant.
Pourquoi ne pas intégrer le télémètre à la lunette de visée ?
Les lunettes avec télémètre intégré existent ! Mais elles sont peu populaires en France principalement pour des raisons réglementaires. En effet, jusqu'au 21 mai 2015, il était interdit d'utiliser les lunettes avec télémètre intégré pour la chasse. L'arrêté du 1er août 1986, consolidé le 28 avril 2016, relatif à divers procédés de chasse, indique la liste des moyens d'assistance électroniques autorisés, dont font désormais partie « les télémètres qui peuvent être intégrés dans la lunettes de visée fixées sur les armes à feu, à condition que ces dernières ne soient pas équipées d'un système de correction automatique de la visée ». Autrement dit, une Zeiss Victory Diarange est légale, mais une Burris Laserscope III Ballistic ne l'est pas à la chasse. L'utilisation dans le cadre du tir sportif a toujours été autorisée. Et rien n'interdit de posséder une lunette Burris pour une utilisation dans les pays étrangers où ces dispositifs sont acceptés.
Comment choisir ses jumelles télémétrique?
Il y a une première bonne nouvelle avant de choisir : l'offre est bien plus resserrée que pour les jumelles classiques. Seules les marques suivantes se disputent le marché : Digital Optic, Bushnell, Steiner, Meopta, Kahles, Leica, Swarovski et Zeiss.
Dans cette liste, vous pouvez avoir des critères simples et objectifs. Si vous cherchez de la légèreté, seul Steiner propose un petit diamètre avec ses M830 LRF 8x30. Elles pèsent 732 g soit le poids d'une paire de jumelles 10x42 classique. Si vous voulez que cette paire de jumelles soit aussi un compagnon d'observation avec des performances optiques aussi poussées que possible, à ce stade, nos tests pointent vers Swarovski. Pour les capacités télémétriques, il fait peu de doute que Leica remporte la palme aussi bien en termes de fonctionnalités que de portée. Meopta est un challenger par le prix. Les Meorange ont tout d'une grande avec une très belle prestation optique et un tarif légèrement inférieur à l'entrée de gamme Geovid R chez Leica. Les Kahles sont encore un cran en dessous côté tarif mais avec une qualité optique inférieure à celle des produits plus haut de gamme. Quant à Bushnell et Digial Optic nous n'avons pas encore eu ces produits entre les mains, mais ils se positionnent respectivement autour de 1000€ et 550€. Dans le dernier cas les données du fabricant incitent à la prudence, il assure «des mesures précises allant jusqu'à 1200 mètres dans des conditions favorables ». 1200 m c'est beaucoup moins que les concurrents et la notion de « conditions favorable » ne semble pas faire référence à une norme.