Un peu d'histoire
L'histoire des pistolets Le Français débute en août 1913, avec le dépôt du brevet du modèle n°1. Ce premier modèle, destiné au marché civil, était un pistolet compact chambré en 6,35 Browning et sera plus tard renommé « Modèle de Poche ». Sa commercialisation démarre en 1914, à une époque où l'acquisition d'armes de poing était bien plus accessible qu'aujourd'hui. Toutefois, les évolutions législatives des décennies suivantes contribueront à la disparition progressive de ces pistolets emblématiques.
L'un des principaux arguments mis en avant par Manufrance, leur fabricant, était la simplicité et la sécurité de ces armes. Grâce à leur platine double action, nécessitant une pression volontaire sur la queue de détente, et à leur canon basculant automatiquement lors du retrait du chargeur, l'utilisateur pouvait instantanément vérifier si la chambre était chargée. Le démontage était également conçu pour être rapide et intuitif, sans nécessiter d'outil particulier pour le retrait de la culasse.
Contrairement aux pistolets classiques de l'époque, les premières versions du « Le Français » ne disposaient pas de stries de préhension sur la culasse. Ce choix était intentionnel : le pistolet étant conçu pour être chargé en insérant un chargeur puis en déposant une cartouche dans la chambre, il ne nécessitait pas d'actionner manuellement la culasse. Par ailleurs, différentes finitions étaient proposées, allant du bronzage aux modèles gravés, avec des pontets polis ou nickelés et des plaquettes variées.
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En 1922, Manufrance lance une version améliorée du modèle initial, le Policeman, doté d'un canon plus long pour une meilleure précision. Ce modèle restera en production jusqu'en 1968. Deux ans plus tard, une version encore plus grande voit le jour : le Champion (1926), décliné en 6,35 mm et .22 Long Rifle. Ce modèle permettait un armement manuel du percuteur pour un tir en simple action, mais son succès fut limité, avec une production inférieure à 1 000 exemplaires.
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Dans les années 1920, l'armée française lance un appel d'offres pour un nouveau pistolet semi-automatique. En 1928, Manufrance présente le Le Français Type Armée, chambré en 9 mm Browning Long, mais ce dernier ne sera pas retenu. La marque tentera alors de le commercialiser auprès du grand public, avec quelques modifications, mais sans grand succès : seuls 5 000 exemplaires seront fabriqués.
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Dans les années 1950, Manufrance parvient à relancer la production avec un modèle en 7,65 Browning, un calibre plus puissant que le 6,35 Browning. Ce modèle arbore une silhouette plus moderne, avec des stries de préhension sur la culasse et un mécanisme de basculement du canon assisté par un ressort pour une manipulation plus rapide. Le chargeur, redessiné, intègre un loquet à la base, et sa plaque servait également de tournevis pour démonter les plaquettes de poignée.
Environ 10 000 exemplaires de ce modèle en 7,65 Browning seront produits jusqu'en 1969, date marquant la fin de la production des pistolets Le Français. Ce déclin s'explique par plusieurs facteurs. D'une part, la concurrence avec des modèles plus modernes comme les Walther PP et PPK, qui offraient des performances similaires avec un design plus abouti. D'autre part, le durcissement de la législation sur l'acquisition d'armes de poing, qui a progressivement réduit le marché civil. Contrairement à d'autres fabricants, Manufrance ne semblait pas avoir misé sur l'exportation pour maintenir ses ventes. Durant la Seconde Guerre mondiale, ces pistolets ont également connu une utilisation par la Résistance grâce à leur petite taille permettant de facilement les dissimuler.
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Au tir
L'expérience de tir avec cet étrange pistolet n'est pas des plus agréables. La détente double action est extrêmement lourde et les organes de visée sont très épais. Ainsi, il est difficile de faire de bons groupements à 25 mètres, mais ce n'est pas la prétention de ce petit pistolet.
Le mécanisme de basculement du canon du Le Français est assez pratique et il offre l'avantage de bien montrer que l'arme est en sécurité.
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La prise en main n'est pas désagréable grâce à des dimensions certes compactes, mais qui permettent de correctement attraper la poignée. Le pistolet mesure 15 cm de long avec un canon de 83 mm et il pèse 630 g, ce qui fait qu'on a l'impression qu'il est assez dense quand on l'a en main.