Petit récapitulatif historique
On peut faire remonter l'histoire de ce qui deviendra l'AR-15 à la fin de la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, l'armée américaine utilise la cartouche .30-06, mais cherche à développer une munition plus compacte et légère, tout en conservant des performances balistiques comparables. L'objectif est d'adopter une cartouche standardisée pour les fusils d'infanterie et les fusils-mitrailleurs. C'est ainsi qu'apparaît, dans les années 1950, le 7,62×51 mm OTAN, une munition toujours en usage aujourd'hui.

Avec l'arrivée de cette nouvelle cartouche, un nouveau fusil devient nécessaire. Après un appel d'offres, le M14 est finalement choisi par l'armée américaine. Parmi les concurrents figure toutefois Armalite, une entreprise fondée en 1954 en tant que filiale de Fairchild, un groupe aéronautique. Armalite propose alors une arme révolutionnaire : l'AR-10, conçu par l'ingénieur Eugene Stoner. Ce fusil se distingue par son boîtier de culasse en aluminium, sa crosse et son garde-main en matériaux composites, offrant une légèreté remarquable – un peu plus de 3 kg. Malgré ces innovations, l'AR-10 n'est pas retenu. Cependant, lorsque l'armée américaine reconnaît le besoin d'une munition de plus petit calibre, plus facile à contrôler, Armalite revient avec une version adaptée de son fusil, désormais chambrée en 5,56x45 mm : l'AR-15. Ainsi, l'acronyme AR signifie Armalite et non « Assault Rifle ».
Armalite revient avec une version adaptée de son fusil, désormais chambrée en 5,56x45 mm : l'AR-15. Ainsi, l'acronyme AR signifie Armalite et non « Assault Rifle ».
Cette nouvelle arme, l'AR-15, peine d'abord à s'imposer. En 1959, Colt rachète les droits à Armalite. Les premiers exemplaires, les Colt 601, sont acquis par l'US Air Force à partir de 1963, marquant un tournant. Cet intérêt initial attire l'attention de l'armée, qui demande des ajustements. Ces modifications donnent naissance aux prototypes XM16. Parmi les changements notables, on note l'ajout d'un bouton d'assistance à la fermeture, des modifications de couleur pour la crosse et le garde-main, ainsi qu'une légère refonte du boîtier de culasse. Une fois ces évolutions finalisées, le XM16 devient officiellement le M16A1 en février 1967. Colt et une filiale de General Motors, GM-Hydramatic, se chargent alors de sa production.
Lors de son introduction, le M16A1 ne fait pas l'unanimité. De nombreux problèmes de fiabilité surgissent, mais cela fera l'objet d'une autre discussion.
En parallèle du développement militaire, Colt vend des modèles semi-automatiques pour le marché civil. Avec le passage des brevets dans le domaine public, des dizaines d'entreprises vont produire des AR15. Ce qui va véritablement faire exploser la demande est la fin de l' « Assault Weapon Ban » en 2004 aux États-Unis rendant de nouveau légal l'acquisition d'AR15 dans des configurations attractives pour les civils. En effet, entre 1994 et 2004, les armes disposant de tenons de baïonnette, crosses télescopiques, canons filetés ou encore poignées pistolets ne pouvaient être commercialisées. Comme souvent, les tendances américaines finissent par traverser l'Atlantique. En France, les AR15 sont devenus également extrêmement populaires sur nos pas de tir.
Un AR15 pour toutes les occasions
L'aspect modulaire de l'AR15 lui permet d'être utilisé dans différents rôles. En plus des variantes avec des canons compris entre 14,5 et 16 pouces qui sont les standards actuels, les modèles à canon long feront le plaisir des tireurs cherchant de la précision.

Nombreux sont les constructeurs à proposer des AR avec des canons de 18 ou 20 pouces permettant d'offrir la vélocité maximale à la munition de .223 Remington. En règle générale, ces armes disposent d'un canon flottant, c'est-à-dire que le garde-main n'entre pas en contact avec le canon afin de maximiser la précision. Le positionnement de l'évent loin de la chambre « rifle length » ainsi que le poids de ces armes rendent le tir très agréable, d'autant plus que le .223 génère peu de recul.
A l'opposé de ce spectre, les AR15 à canon court sont également à la mode, par exemple avec les Daniel Defense Mk.18. Grâce à leur canon court, ces AR sont légers mais ils sont extrêmement bruyants.

Même pour la chasse ces armes sont utilisées, du moins dans les pays où les AR sont autorisés pour une telle application. De nombreux calibres différents existent en fonction du gibier, notamment aux Etats-Unis.
Ces dernières années, on observe une croissance des AR9. Bien que ce terme ne soit pas une désignation officielle, il désigne les AR utilisant des cartouches de pistolet, le plus souvent en 9mm Parabellum. L'un des principaux avantages de ces armes est qu'elles n'ont pas besoin d'un système de verrouillage pour fonctionner, les munitions de pistolet générant une pression bien inférieure à celle du .223 Remington. Il en résulte des armes plus simples et moins coûteuses à produire. De plus, le 9 x19mm étant nettement plus abordable que le .223 Remington, les AR9 offrent une alternative économique pour s'entraîner tout en profitant de l'ergonomie et de la modularité de la plateforme AR. Cependant, malgré une munition moins puissante, le recul peut sembler assez sec en raison de leur fonctionnement à culasse non calée.

Un mécanisme assez unique
Mécaniquement, le fonctionnement de l'AR-15 est particulièrement intéressant. Il est souvent décrit comme utilisant un système à emprunt de gaz direct, mais ce n'est pas tout à fait exact. Contrairement au véritable emprunt direct des gaz du MAS 44, où les gaz propulsent directement la culasse, l'AR-15 utilise son transporteur de culasse comme un piston interne.
Comme sur le MAS 44, une veine gazeuse redirige les gaz de propulsion vers l'ensemble mobile, permettant ainsi l'ouverture de la culasse. Le verrouillage repose sur une culasse rotative, un concept similaire à celui du fusil Johnson. Ce mécanisme relativement simple a cependant l'inconvénient de générer davantage d'encrassement, notamment en raison du retour des gaz dans l'ensemble mobile. Il n'est pas non plus optimisé pour les canons courts, l'AR-15 ayant été initialement conçu avec un canon de 20 pouces.

Au fil du temps, des modifications ont été apportées pour améliorer sa fiabilité, en particulier sur les versions compactes. L'un des pionniers de cette évolution est l'entreprise allemande Heckler & Koch avec sa célèbre série HK416, qui équipe aujourd'hui l'armée française. L'objectif du HK416 était de proposer un fusil d'assaut plus fiable tout en conservant l'ergonomie de la plateforme AR-15. Contrairement à l'AR-15 standard, le HK416 utilise un système à piston à course courte dérivé de l'AR-18, qui remplace la veine gazeuse par un piston mécanique plus fiable, réduisant ainsi l'encrassement de l'ensemble mobile.
Ce passage aux systèmes à piston n'a pas seulement touché les armes militaires, mais aussi les tireurs sportifs, qui adoptent progressivement ces évolutions. Toutefois, dans un usage sportif classique, le fonctionnement originel de l'AR-15 ne pose aucun problème majeur.
Un véritable Lego
L'AR15 est souvent décris comme “le Lego” des armes à feu car il est quasiment entièrement personnalisable. Sa conception en deux parties « upper/lower receivers » permet de facilement passer d'une configuration à canon court à une configuration utilisant un canon long avec une lunette en gardant la même détente et crosse.
Grâce à leur extrême popularité, il serait impossible de mentionner tous les fabricants d'accessoires (canons, freins de bouche, détentes, poignées…). L'AR15 est de facto un standard et les pièces sont interchangeables.
Les freins de bouche et compensateurs permettent d'annuler quasiment tout le recul de ces armes et sont très populaires sur les AR15 utilisés en tir sportif notamment dans les disciplines permettant le tir de vitesse.

Un des défauts de la conception de l'AR15 est le positionnement de son ressort récupérateur dans la crosse, cette dernière ne peut pas être pliable, ou presque. Certains équipementiers commercialisent des adaptateurs de crosse avec une articulation pour pallier ce défaut.
Autre limite de conception de l'AR : son levier d'armement situé à l'arrière du boitier de culasse. Cette position est assez unique par rapport à beaucoup d'armes. Le positionnement initial du levier d'armement de l'AR10 était situé au-dessus du boitier comme sur un FAMAS F1. Cette position entraînait une chauffe trop importante du levier d'où son installation à l'arrière de l'arme. Dans la plupart des situations cette position n'est pas dérangeante mais quand on installe une lunette, le levier devient difficilement accessible d'où la disponibilité de leviers surdimensionnés.

Cette position à l'arrière entraîne également une perte d'étanchéité dérangeante lors du tir avec un réducteur de son. En effet, lors des tirs silencés le tireur reçoit un trop-plein de gaz au visage assez dérangeant. Là encore, des équipementiers proposent des leviers d'armement conçus spécifiquement pour réduire les projections de gaz au visage mais cette solution est un pis-aller par rapport à un fusil utilisant un système de piston.
Quelques alternatives à l'AR15
Malgré leur omniprésence, il existe bien des alternatives utilisant le même calibre et proposant une modularité intéressante du moins pour les deux premières alternatives que je vous propose.

CZ Bren
La gamme des CZ Bren tchèque sont d'excellentes armes proposant une modularité quasiment identique avec à celle de l'AR15. Son mécanisme éprouvé utilise un mécanisme de piston à course courte et dispose d'une crosse rabattable grâce à la position du ressort récupérateur. Plus d'une dizaine de forces armées et unités de police à travers le monde ont adopté différentes variantes du CZ Bren, notamment le GIGN, qui utilise une version en 7,62x39mm.

VHS2 / Springfield Armory Hellion
Le VHS2 croate désormais renommé Springfield Hellion est une excellente alternative originale à l'AR15. Grâce à sa configuration bullpup, on maintient un canon de 16 pouces dans une arme compacte. Côté modularité, la poignée pistolet est compatible avec celle des AR15 et on peut installer différents accessoires sur le garde-main grâce à une interface M-Lok.
Ce bullpup a également l'avantage d'être totalement ambidextre grâce à un ingénieux système pour changer le sens d'éjection des étuis.

SIG 550/PE90
Une de mes alternatives préférées est le fameux PE90 suisse. Bien qu'il n'offre pas la même modularité que les fusils modernes, il se distingue par une qualité de fabrication exceptionnelle et une expérience de tir remarquable. Son mécanisme à piston à course longue, combiné à son poids de 4,1 kg, assure un tir particulièrement doux et maîtrisé. Son seul véritable inconvénient réside dans son démontage, plus fastidieux que celui d'un AR-15.
Bien entendu, d'autres alternatives existent. J'aurais pu citer le célèbre FN SCAR 16S mais je n'ai pas encore eu l'occasion de l'essayer…
Conclusion
Il est compréhensible que certains tireurs ressentent une certaine lassitude face à la domination écrasante de l'AR-15 sur le marché. Cette suprématie a, d'une certaine manière, limité l'émergence d'alternatives réellement concurrentielles, surtout dans une gamme de prix équivalente. Cependant, il est difficile de nier l'intérêt objectif de cette plateforme. Son succès repose sur une combinaison de modularité, d'accessibilité et d'ergonomie qui permet à chaque utilisateur de configurer son arme exactement selon ses besoins.
D'ailleurs, pour beaucoup, l'attrait principal de l'AR-15 ne réside pas uniquement dans ses performances au tir, mais aussi dans sa capacité de personnalisation quasi infinie. Que ce soit pour optimiser son confort, améliorer sa précision ou simplement pour le plaisir de le modifier à son goût, l'AR-15 devient un projet évolutif plus qu'une simple arme.
Cela dit, pour ceux qui cherchent à sortir des sentiers battus et à éviter cette uniformité, il existe des alternatives intéressantes en calibre .223 Remington. Si elles sont moins mises en avant, elles méritent d'être explorées par ceux qui prennent le temps de se renseigner.