Depuis quelques mois nous avons entrepris de dresser un panorama des jumelles télémétrique, mais nous n'avions encore pas eu l'occasion de tester une paire de Leica Geovid. Voilà cette lacune comblée. Une lacune oui, car la marque de Wetzlar est la première qui vient à l'esprit dans ce domaine puisqu'elle a introduit le tout premier produit de ce type sur le marché en 1992. Ce test vient donc s'inscrire dans une série après les Zeiss Victory RF 10x42, les Meopta Meorange 10x42 HD, Kahles Helia RF 10x42 et les Swarovski EL-Range 10x42. Nous avons également publié un guide d'achat des jumelles télémétriques.
Qualité de fabrication
Mais revenons à Leica. Depuis le lancement de la première Geovid, il y a 27 ans, la marque tente de conserver un coup d'avance sur ses concurrents. En 2013 par exemple Leica a sorti les Geovid HD-B dotée d'une programme balistique élaboré, permettant de personnaliser la mesure en fonction des paramètres de l'arme et du type de munition utilisé. La paire de jumelles donne une distance équivalente de visée ou bien le nombre de clic de correction à appliquer à la tourelle de la lunette de visée. Ces données sont stockées sur une carte mini SD que l'on peut insérer dans la paire de jumelles. Cette innovation n'a pas laissé les concurrents impassibles puisque Zeiss et Meopta ont également introduit des systèmes de programmes personnalisés. Dans les deux cas, les smartphones équipés de l'application balistique communiquent avec la paire de jumelles par Bluetooth.
Il y a quelques mois Leica a de nouveau battu les cartes en sortant les Geovid HD-R 2700 et les HD-B 3000. C'est cette dernière que nous avons eu la chance de tester. 3000 comme 3000 € ? Oui, c'est bien le tarif de ce bijou de technologie, mais non ce n'est pas l'origine du nom. La vraie raison c'est qu'elle est capable d'effectuer des mesures de distance jusqu'à 3000 yards soit 2750 m. C'est une prouesse car les lasers civils sont limités à la classe 1. C'est-à-dire qu'ils ne doivent pas dépasser les 0.39 micro watt afin de ne pas faire courir de risques oculaires. Les ingénieurs de Leica ont donc dû redoubler d'innovations pour rendre leur produit capable de faire des mesures aussi lointaines. Le précédent modèle était garanti pour une portée de 1850 m. Leica ne communique pas sur la recette de cette nouvelle mouture de Geovid, mais pour augmenter la distance maximale, il n'y a pas de secret, il faut limiter la divergence du laser infrarouge et augmenter également la sensibilité de la cellule utilisée pour mesurer les photons réfléchis par la cible.
Sur le terrain
Par rapport aux modèles testés jusqu'ici, ce qui frappe c'est l'efficacité du télémètre à grande distance, il y a peu d'échec sur des cibles situées entre 2000 et 2500 m et à 2700 m le taux de réussite est encore relativement bon. Nous sommes parvenus à faire des mesures jusqu'à près de 2800 m. Contrairement aux produits concurrents, la portée du télémètre nous a semblé beaucoup moins sensible aux conditions de luminosité. Nous sommes parvenus à faire des mesures aussi lointaines avec la Victory 10x42 RF de Zeiss, mais c'était de nuit. De jour, les Zeiss vont moins loin, et même pour atteindre la portée annoncée de 2300 m il faut plutôt un temps nuageux.
Sur ce plan les Leica tiennent donc bel et bien leur promesse. La capacité à effectuer des mesures à si longue distance n'a pas de grande utilité dans la pratique, mais c'est le gage d'une efficacité sans faille en dessous de 2000 m. En dessous de 200 m, les mesures sont même données avec une décimale, c'est potentiellement utile pour les archers. Notez qu'il est possible de faire des mesures à 10 m seulement. Ca peut être utile dans un contexte autre que la chasse. Par contre la distance minimale de mise au point n'est que de 5 m, c'est un peu limitant si l'on souhaite utiliser la paire de jumelles aussi pour de l'observation nature. Zeiss et Swarovski font mieux avec 3,5 m et Meopta descend même à 2,5 m ce qui est devenu la norme sur les jumelles classiques.
Pour revenir au télémètre, nous avons particulièrement apprécié le mode scan, lorsque l'on conserve le bouton de mesure enfoncé plus de 2,5 s la mesure se fait en continu avec un rafraichissent de l'affichage toutes les 0,5 s.
Du côté du programme balistique il est possible de se contenter des 12 profils déjà en mémoire. Ils peuvent être activés directement dans le menu.
Pour un réglage personnalisé, il faut utiliser le programme balistique de Leica disponible en ligne sur le site du fabricant.
L'outil est simple, vous n'avez aucun programme à installer, tout se fait en ligne. Une fois les données utilisateur entrées, un fichier est créé. Il faut le copier sur une carte mémoire mini SD. Une fois cette opération effectuée, il faut trouver où insérer la carte. Aucune trappe n'est apparente, nous avons donc dû nous référer au mode d'emploi pour découvrir qu'il est dissimulé dans le compartiment des piles ! Celui-ci se ferme par un capuchon rond à vis, et permet de garantir l'étanchéité. C'est astucieux. Il ne reste plus qu'à insérer la carte dans son logement. Gros doigts s'abstenir ! L'opération est en effet un peu délicate. Il faut dire que les cartes mini SD sont en elles même tellement petites qu'elles sont difficiles à manipuler.
Quoi qu'il en soit l'opération de personnalisation du profil balistique nous semble un peu plus simple que chez Zeiss avec l'application Bluetooth plus longue à prendre en main.
Lorsque ces réglages sont effectués, il ne reste plus qu'à mettre les yeux derrière les oculaires. La qualité d'image est très bonne, avec des images très claires et contrastées. La luminosité est également au rendez-vous. On doit ce résultat en partie à une spécificité maison, le prisme de Perger-Porro. Il s'agit d'un dérivé du très classique prisme de Porro que l'on trouve dans les jumelles d'ancienne génération et encore dans quelques produits spécifique ou d'entrée de gamme. Le Perger-Porro est plus compact et permet une meilleure intégration. Mais tout comme le prisme de Porro il ne permet pas de réaliser une paire de jumelles droite, d'où le petit déhanchement que l'on voit le long du tube de la Geovid HD-B. En revanche, il évite l'effet de phase si difficile à corriger sur le prisme de Schmidt-Pechan et permet aussi de maximiser la transmission de lumière. C'est donc un bon choix de la part de Leica aussi intéressant que l'Abbe-Koënig de Zeiss (Victory HT).
Qualité d'image au centre
Les plus fins détails au centre mesurent 0,7', c'est le signe d'une optique d'excellente facture puisque la limite de résolution de l'œil est de 1'.
Qualité d'image en bord de champ
Bien que réalisant des optiques de haut vol sur ses jumelles, Leica a laissé à Zeiss et Swarovski la bataille de qui aura la meilleure qualité d'image en bord de champ, que ce soit sur les Geovid ou les autres gammes. Les ingénieurs maison estiment sans doute que le bord de champ est réservé à la vision périphérique et ne requiert donc pas un haut degré de correction. Ca peut se défendre. On constate en bord de champ une qualité d'image dans la moyenne, sans plus. Les plus fins détails font 8', c'est bien moins que la limite de résolution maximale de l'œil, donc excellent. !
Transmission de lumière
Sur les deux voies de droite et de gauche nous avons mesuré un taux de transmission de 89,5%. C'est proche de la valeur de 90% annoncé par le fabricant et c'est surtout un excellent résultat pour une paire de jumelles télémétrique. Sur ce plan le produit devance la concurrence, seul Swarovski fait aussi bien.
Neutralité des couleurs
La neutralité des couleurs est relativement bonne, sans atteindre la perfection. C'est un résultat attendu pour une paire de jumelles télémétrique car les systèmes de mesure et d'affichage rendent quasi impossible l'obtention d'une neutralité des couleurs parfaite. Sur ce critère il faut tout de même distinguer deux aspects. Certes la neutralité que l'on mesure sur banc optique est effectivement moyenne avec un déficit de lumière notable dans le bleu et le rouge ; mais pourtant, la neutralité des couleurs perçue est relativement bonne et ça s'explique parce que le pic de transmission est dans le vert au milieu du spectre et là où notre œil à lui aussi son pic de sensibilité. Sans doute que les ingénieurs ont choisi une forme de courbe de transmission optimisée pour obtenir ce résultat. Sur des cibles blanches, on a néanmoins une très légère sensation de plus blanc que blanc, un peu comme sur certains papiers photo azurés (et donc très légèrement bleu). Les fabricants de lessive utilisent aussi cette astuce avec des paillettes bleutées (d'où le fameux argument publicitaire de plus blanc que blanc). Au crépuscule, le pic de sensibilité de notre œil se décale vers le bleu et du coup ce côté azuré tend à disparaître.